• Les deux banquets : un éloge de la répétition

    Michel Tournier conclut le recueil Le médianoche amoureux par une nouvelle intitulée Les deux banquets ou La commémoration.

    Cette courte nouvelle n'est pas sans rappeler la nouvelle de Villiers de l'Isle Adam, Le plus beau dîner du monde.

    Pourtant, si les circonstances sont comparables, la portée en est tout à fait différente. Ici, la répétition sacralise l'acte.

     

     

    Un calife d'Ispahan recherche un nouveau cuisinier. Afin de le choisir, il met en concurrence deux candidats qui devront préparer à tour de rôle préparer un banquet pour la cour. 

    Le premier se met à l'oeuvre :

    Or la finesse, l'originalité, la richesse et la succulence des plats qui se succédèrent sur la table dépassèrent toute attente. L'enthousiasme des convives était tel qu'ils pressaient le calife de nommer sans plus attendre chef des cuisines du palais l'auteur de ce festin incomparable.

    Fresque de la salle des banquets du palais Chehel Sotoun d'Ispahan

    Le Shah Abbas Ier reçoit Vali Nadr Muhammad Khan
    Fresque de la salle des banquets du palais Cherel Sotoun d'Ispahan (photo  Fabien Dany )

    Une semaine plus tard, c'est au tour du deuxième candidat de se prêter à l'exercice :

    Grande fut la surprise générale quand le premier plat arriva sur la table : c'était le même que le premier plat du premier banquet. Aussi fin, original, riche et succulent, mais identique.

    Les plats se succèdent, tous identiques à ceux du premier banquet ! Les convives redoutent la réaction du calife.

    Mais la décision du calife est tout à fait surprenante :

    Je pense que vous serez tous d'accord avec moi pour reconnaître et proclamer l'immense supériorité du second cuisinier sur le premier. Car si le repas que nous avons pu goûter dimanche dernier était tout aussi fin, original, riche et succulent que celui qui nous a été servi aujourd'hui, ce n'était en somme qu'un repas princier. Mais le second, parce qu'il était l'exacte répétition du premier, se haussait, lui, à une dimension supérieure. Le premier banquet était une événement, mais le second était une commémoration, et si le premier était mémorable, c'est le second seul qui lui a conféré rétroactivement cette mémorabilité.

     


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