• Une collection de canapés au 18e siècle

    Dans le cadre de son enquête sur la Pyramide de glace, le commissaire de police Nicolas Le Floch, héros de Jean-François Parot, visite la maison de plaisir de M. de Vainal, président à mortier au Parlement, située rue Plumet. Le magistrat y a installé sa maîtresse, officiellement cuisinière. 

    Les visiteurs sont frappés par la splendeur des lieux et le luxe de la décoration.

    La décoration du vestibule et du salon déployait tout ce que l'opulence pouvait offrir en matière de confort et de raffinement. Porcelaines de Sèvres, flambeaux d'argent, vases d'albâtre et de céladon montés en bronze doré, colonnes de marbre abondaient au milieu de scènes amoureuses figurées en biscuit. 

    Le mobilier est à l'avenant.

    Mais ce qui accentuait le caractère particulier de la demeure, c'était la surabondance, à l'exclusion de tout fauteuil, d'une réunion de canapés, lits de repos, sofas, ottomanes, veilleuses à la turque, paphoses, turquoises, gondoles et causeuses, tous meubles issus de l'imagination sans limite des ébénistes et des marchands.

    Cette belle liste de canapés en tout genre aiguise la curiosité. 

    Du style Louis XV au style Louis XVI

    On distingue trois périodes dans l'ameublement de l'époque Louis XV :

    • Le style Régence, au début du 18e siècle, allie à la noblesse du style Louis XIV une certaine légèreté capricieuse.
    • Le style rocaille, qui règne à l'époque de la marquise de Pompadour, abandonne la pureté des lignes pour se vouer au caprice et abuse des ornements à coquille, des feuilles d'acanthe et des évocations de rochers. Par moquerie, on qualifiera plus tard ce style de 'rococo', par association du français 'rocaille' et de l'italien 'baroco'.  
    • Une troisième période marque un retour aux traditions classiques, sous l'influence de l'étude des monuments antiques.

    Les meubles sous le règne de Louis XV présentent une très grande variété. On fabrique des commodes à la Régence, à la Chartres, à la Bagnolet, à la Charolais, à la Navarre, à la Dauphine..., des lits à l'Impériale, à la Turque, à la Polonaise... Il paraît difficile d'énumérer toutes les formes qu'affectent alors les tables, les sièges et les canapés, tant les ébénistes recherchent l'originalité.

    Le style de l'époque Louis XVI marque une réaction contre l'abus du style chantourné, déjà amorcée à la fin du règne de Louis XV. Il recherche une harmonie entre la coquetterie de l'art français et la pureté des lignes antiques.

    L'ameublement à l'époque de Louis XVI se caractérise surtout par le fini de l'exécution et la rareté de la matière mise en oeuvre. Ainsi, on utilise dans l'ameublement de luxe des matériaux somptueux, des laques du Japon, des marqueteries de bois précieux, des ornements de bronze ciselés, des porcelaines, des sculptures sur bois.

    Une histoire de mouche

    De nos jours, en France, un canapé désigne un siège confortable à plusieurs places, présentant un dossier et, généralement, des appuie-bras (plus exactement des accotoirs). 

    Le canapé est l'adaptation de l'ancien banc à dossier du Moyen Âge. Il apparaît au début du 17e siècle, où il est parfois dénommé sofa. A l'origine, il s'agit d'un lit de repos facile à déplacer plus que d'un siège. On le garnit alors de matelas mobiles. Le mot canapé dérive du mot médiéval 'conopé', désignant un rideau de lit ou une moustiquaire, et, partant, un lit entouré d'une moustiquaire. L'origine, via le latin et le grec, est peut-être un mot égyptien signifiant 'mouche'...

    A l'époque de Louis XIV, c'est un meuble un peu sévère, large, à pieds en balustre, à dos renversé, avec des angles droits et des bras en bois sculpté, dont le siège et le dossier sont recouverts de tapisserie à fleurs et à arabesques. Le confort du rembourrage en fait un siège relativement propice à la conversation, mais on ne s'y attarde pas.

    Le style évolue, au cours du 18e siècle, vers un aspect gracieux et élégant, avec des dossiers incurvés, des bordures de bois échancrées, des tapisseries représentant des scènes champêtres ou mythologiques. La mode multiplie les formes et la décoration : on voit des canapés à médaillons, en gondoles ou à corbeilles, etc. Les canapés sont des meubles prisés dans les salons mondains. L'assise en est généralement peu profonde.

    Les canapés de l'époque Louis XVI renoncent aux coquilles et aux ornements enroulés et présentent des lignes droites, cependant ornées de motifs végétaux ou de grecques. 

    Bien que l'action de La pyramide de glace se situe sous le règne de Louis XVI, en 1784, la collection de canapés du président Vainal offre un éventail de sièges de salon typique du règne de Louis XV. On retrouve certains des meubles cités dans les inventaires de mobilier royal de cette époque.

    Confort à l'orientale

    Plusieurs meubles de la liste rappellent l'Orient. L'art oriental est en effet une des sources principales d'inspiration des ébénistes du siècle de Louis XV, avec le style baroque italien. L'ancien empire byzantin, devenu empire ottoman, évoque un confort voluptueux.

    Ainsi, le lit de repos en ottomane, ou ottomane, désigne un siège large, caractérisé par une assise de forme ovale et des lignes incurvées. Ce canapé ovale en forme de corbeille présente des bras latéraux en demi-cercle, enveloppants. C'est le dossier qui s'incurve pour former les accotoirs. 
    C'est un siège confortable, plutôt féminin, présent dans les boudoirs et près des cheminées des salons du 18e siècle.

    Une collection de canapés Louis XVI

     Ottomane à trois places : réplique d'un meuble d'époque Louis XV, en gondole

    La veilleuse à la turque est une sorte d'ottomane. Ce canapé présente des accotoirs enveloppants de taille différente, l'un des côtés étant plus fermé que l'autre. On trouvait les veilleuses, souvent par paire, près de la cheminée.

    Une collection de canapés au 18e siècle

    Une paire de veilleuses à la turque, époque Louis XV

    Le sofa est emprunté à l'arabe signifiant banquette, via le turc. Le mot a désigné à l'origine une estrade recouverte de tapis et de coussins où le grand vizir recevait ses hôtes. 

    Une collection de canapés au 18e siècle

    Francesco Giuseppe Casanova, Audience accordée par le Grand Vizir Aimoli-Carac à Monsieur le comte de Saint-Priest, 18 mars 1779
    Château de Versailles
    Le Grand Vizir, Premier ministre de l'empire ottoman, est vraisemblablement installé ici sur un sofa.

    Le mot 'sofa' est synonyme de canapé au Québec et en Belgique. Mais, en France, le sofa désigne de préférence un grand canapé à trois places.

    Le divan, bien qu'il ne soit pas cité dans la liste, est également une sorte de canapé. A la différence du canapé, il n'a ni dossier ni bras et fait plutôt office de lit de repos. Voilà encore un mot qui nous est venu du turc, mais il est d'origine persane, langue dans laquelle il désigne une liste, un registre, voire un recueil de poèmes. Il désignait en turc un conseil politique et également la salle de réunion de ce conseil, garnie de coussins. C'est ce dernier sens qui deviendra le plus usuel en français et sera appliqué à un meuble.

    Une collection de canapés au 18e siècle

    Jean-Baptiste van Mour, Audience au Diwan-i-Khas du vicomte d'Andrezel, ambassadeur de France, par le sultan Ahmed III, le 10 octobre 1724
    Musée des Beaux-Arts de Bordeaux

    La sultane, appelée aussi canapé à la turquoise, est un canapé dont les accotoirs présentent des enroulements très prononcés, ou, si l'on préfère, un lit de repos à deux chevets, et qui ne possède généralement pas de dossier. Ce canapé était à la mode sous Louis XV. Les dames utilisaient la sultane au salon et pouvaient recevoir les invités en restant allongées.

    Une collection de canapés au 18e siècle

    Une sultane

    Est également très à la mode sous Louis XV la paphose ou papose, sorte de canapé à double dossier dont l'un s'incline pour former un lit. Cette sorte de lit de repos, de grande richesse, possédait des bouts se terminant en gondole comme ceux des ottomanes.  

    Ce meuble tient son nom d'une ville de l'île de Chypre, Paphos. Cette ville aurait été fondée par Cinyras, premier roi de Chypre, fils de Paphos (elle-même fille de Pygmalion et de Galatée) et d'Apollon ; à moins qu'elle n'ait été créée par Agapénor, qui aurait échoué à Chypre de retour de la guerre de Troie. C'est à proximité de Paphos, à Petra tou Romiou, que la déesse Aphrodite aurait surgi des flots, née de l'écume de la mer et de la semence d'Ouranos. 
    Voilà sans doute pourquoi la paphose évoque la galanterie...

    Une collection de canapés au 18e siècle

    Sandro Botticelli La naissance de Vénus
    musée des Offices, Florence

    Tous ces canapés peuvent être en gondole, terme pouvant qualifier tout siège : un siège en gondole présente un dossier cintré enveloppant et arrondi. Les montants de dossier d'un siège en gondole se prolongent généralement au niveau de la ceinture d'assise par une courbe régulière.  

    Quant à la causeuse, c'est tout simplement un petit canapé pour deux personnes, qui sera plus particulièrement à la mode au 19e siècle. Ce meuble présente parfois deux dossiers excentrés de trois-quarts pour favoriser la conversation entre les deux personnes assises.

    Une collection de canapés au 18e siècle

     Une causeuse

     

     

     

     

     

     


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