• Dîner au Café Riche

    Dîner au café Riche

    Georges Duroy, le héros de Bel-Ami de Maupassant, est invité à un dîner à quatre ("une partie carrée") dans un salon privé du Café Riche. 

    Nous sommes vers 1880, à Paris. Le Café Riche a été créé en 1791 au 16 boulevard des Italiens, à l'angle de la rue Le Peletier. Le restaurateur Louis Bignon, dit Bignon aîné, achète cet établissement pour un million de francs, et en fait "le premier restaurant du monde" ! C'est du moins la réputation du restaurant, qui remporte un grand succès dans le beau monde. 

    Les prix étaient à la hauteur de sa réputation :  "On ne doit y entrer [au Café Riche] qu’avec l’intention de dîner sérieusement, sans se préoccuper du montant de l’addition" (Jules Gouffé, Paris illustré, 1875). 

    Le Café Riche a fermé en 1916 et a fait place à la Banque nationale de Paris.

    On le fit monter au second étage, et on l'introduisit dans un petit salon de restaurant, rendu de rouge, et ouvrant sur le boulevard son unique fenêtre.

    Une table carrée, de quatre couverts étalait sa nappe blanche, si luisante qu'elle semblait vernie. ; et les verres, l'argenterie, les réchauds brillaient gaiement sous la flamme de douze bougies portées par deux hauts candélabres.

    [...]

    Les huîtres d'Ostende furent apportées, mignonnes et grasses, semblables à de petites oreilles enfermées en des coquilles, et fondant entre le palais et la langue ainsi que des bonbons salés.

    Puis, après le potage, on servit une truite rose comme de la chair de jeune fille,  et les convives commencèrent à causer.

    [...]

    Et comme la première entrée n'arrivait pas, ils buvaient de temps en temps une gorgée de champagne en grignotant des croûtes arrachées sur le dos des petits pains ronds. [...]

    On apporta des côtelettes d'agneau, tendres, légères, couchées sur un lit épais et menu de pointes d'asperges.

    [...] Et ils mangeaient avec lenteur, savourant la viande fine et le légume onctueux comme une crème.

    [...]

    On avait apporté le rôti, des perdreaux flanqués de cailles, puis des petits pois, puis une terrine de foies gras accompagnée d'une salade aux feuilles dentelées, emplissant comme une mousse verte un grand saladier en forme de cuvette. Ils avaient mangé de tout cela sans y goûter, sans s'en douter, uniquement préoccupés de ce qu'ils disaient, plongés dans un bain d'amour.

    [...]

    Le dessert vint, puis le café ; et les liqueurs versèrent dans les esprits excités un trouble plus lourd et plus chaud.

    La note finale s'élèvera à 130 francs. 

    Entre les plats de ce dîner s'intercalent de longues conversations pour combler l'attente.

    Le dessert n'a pas eu droit à une description. Alors que les convives ont savouré la "première entrée" (après les huîtres, le potage et la truite !), ils n'ont plus prêté attention à ce qu'ils mangaient, absorbés par leur conversation. Aussi le dessert a-t-il été expédié.

    On remarque que les côtelettes d'agneau, nourriture particulièrement grasse, sont curieusement qualifiées de "tendres" et "légères" ! 

     


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :