• La légende de la peinture

    Michel Tournier raconte La légende de la peinture dans Le Médianoche amoureux. Il dit (lui ou son narrateur ?) s'être librement inspiré d'une parabole du "sage derviche" Al-Ghazâli, ou Algazel, un théologien soufiste persan du 11e siècle. Tournier utilise ce conte pour illustrer la nécessité pour l'oeuvre d'être lue, vue ou entendue pour exister. 

    Je ne pense pas que telle était la teneur du message d'Algazel. Il semble au contraire qu'Algazel, philosophe de l'éducation,  ait condamné catégoriquement la peinture et le dessin, la représentation des êtres humains et des animaux étant considérée comme liée au culte des idoles et des icônes. Aussi préconisait-t-il de supprimer les images ou de les altérer. 

     

    Voici l'histoire de Michel Tournier résumée.

    Un calife de Bagdad fait appel à un célèbre peintre chinois et à un peintre grec savant pour décorer les deux murs opposés d'une salle de son palais. Les deux artistes sont mis en concurrence, une récompense étant promise à celui qui l'emportera. 

    Au bout de trois mois, le calife et sa cour, en grand apparat, viennent découvrir et comparer les oeuvres. La fresque du peintre chinois est dévoilée : elle représente

    un jardin de rêve planté d'arbres en fleurs avec des petits lacs en forme de haricot qu'enjambaient de gracieuses passerelles.

    On voit mal comment le peintre grec pourrait dépasser une telle perfection.

    C'est au tour de la fresque du Grec d'être révélée. Oh surprise ! Il n'a rien peint du tout, mais il a dressé sur le mur un immense miroir, qui reflète exactement le jardin paradisiaque du Chinois. Et dans ce reflet fidèle,

    une foule magnifique avec des robes brodées, des panaches de plumes, des bijoux d'or et des armes ciselées

    bouge et gesticule. A l'unanimité de cette foule qui se reconnaît "avec ravissement", le peintre grec est déclaré vainqueur du concours. 

    La légende de la peinture

    Homay et Humayun au jardin - miniature persane (musée des Arts décoratifs, Paris)

    Le conte est joli, certes, mais, comme de nombreuses paraboles, il emporte difficilement l'adhésion. Il est tout de même étonnant, si ce n'est totalement injuste, que ce tour de passe-passe vaille à son auteur - usurpateur et escroc - un succès unanime. 

    On retrouve le thème de la répétition qui enrichit l'oeuvre à d'autres occasions : par exemple dans une autre petite nouvelle de Tournier intitulée Les deux banquets ou La Commémoration, dans laquelle la répétition confère à l'oeuvre une dimension sacrée ; ou bien dans une nouvelle de Villiers-de-l'Isle-Adam, Le plus beau dîner du monde, où le propos est tout à fait satirique. 


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